« J’envie la situation des agriculteurs français »

Folke Pleijert, agriculteur suédois – Spéciale Europe – Alors que leur destin commun se joue à Bruxelles, les agriculteurs européens sont loin de partager la même vision de la politique agricole commune. Portrait croisé de deux d’entre eux.
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L’un est à la tête d’une exploitation de polyculture dans le Gers, l’autre producteur de lait en Suède. Tous deux sont membres du Conseil européen des jeunes agriculteurs (Ceja), une association qui tente de faire entendre la voix de la nouvelle génération d’exploitants agricoles à Bruxelles. Mais lorsqu’ils s’expriment sur la Politique agricole commune (PAC) et le rôle de l’Europe en général, ce sont deux visions radicalement différentes qui émergent.

« La PAC devrait permettre de réguler le marché, or c’est tout le contraire. On le voit avec la chute des prix du lait. C’est le cas également pour les céréales, dont les cours évoluent très vite. Lorsqu’on démarre une culture, on ne sait pas si on va pouvoir la vendre à un prix décent l’année suivante », témoigne William Villeneuve, président en France du Centre des jeunes agriculteurs.

Pour Folke Pleijert, au contraire, « la PAC va dans la bonne direction ». Bien qu’il soit directement touché par la baisse des prix du lait, l’éleveur adopte une position libérale. « Ce qui est important, c’est que tous les agriculteurs européens soient sur un même pied d’égalité. La PAC devrait viser cet objectif avant tout. Jusqu’au début des années 90, les subventions de l’Europe étaient liées à la production passée des exploitations, ce qui favorisait certains agriculteurs par rapport à d’autres. Aujourd’hui les choses ont changé, mais certaines subventions restent difficiles à justifier », estime-t-il.

– « Nous nous dirigeons vers une agriculture spécialisée » –

Le bilan de santé de la PAC effectué par les ministres européens de l’Agriculture en novembre 2008 a donné raison à Folke Pleijert. En 2015, l’Union européenne supprimera ses quotas laitiers, en dépit des efforts de la France pour les maintenir. En outre, le budget de la PAC pourrait être considérablement remanié dès 2013.

« Je suis d’accord avec les objectifs affichés, c’est-à-dire la réorientation des aides agricoles vers la protection des ressources naturelles et les services environnementaux rendus par l’agriculture. En 2013, nous devrions avoir une bonne base pour construire », souligne Folke Pleijert. A l’inverse, William Villeneuve avertit des dangers des réformes en cours. « On se dirige vers un droit de paiement unique (ndlr : subvention agricole) à l’hectare, qui va encourager la spécialisation des exploitants. En France, nous avons la chance d’avoir une agriculture diversifiée et présente sur tout le territoire. Cette agriculture de proximité va disparaître si les subventions liées à la taille des exploitations ne sont pas pondérées avec le nombre d’employés qui y travaillent », analyse-t-il.

S’ils se disent tous les deux passionnés par leur métier, les deux exploitants concèdent avoir du mal à gagner leur vie. « Déduction faite de toutes les charges, il me reste 1 000 euros par mois pour vivre », calcule William Villeneuve. « C’est sûr qu’au prix actuel du lait, ça ne vaut pas le coup d’aller travailler », souligne de son côté Folke Pleijert. L’éleveur suédois admet qu’en ces circonstances il aurait bien besoin d’un coup de main gouvernemental. « En Suède, l’agriculture est plutôt regardée comme un problème que comme un secteur qu’il faut défendre. De ce point de vue, j’envie beaucoup la situation des agriculteurs français car ils bénéficient du soutien de leur gouvernement », confie-t-il.

Du fait de politiques nationales très différentes à leur égard, il est difficile pour les agriculteurs européens de parler d’une même voix. C’est pourtant ensemble qu’ils répondent aux objectifs de sécurité alimentaire et de développement durable du Vieux Continent.

Par François Schott

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