Collecte et recyclage des piles, un casse-tête européen ?

Spéciale Europe – Depuis 1991, l’Europe a lancé une politique commune de collecte et recyclage des piles. En 2009, vingt ans et deux directives plus tard, la filière se structure enfin. Histoire d’un micmac à l’européenne.

Rien n’est moins simple que mettre en oeuvre une politique commune à l’échelle européenne, même avec la meilleure intention. La filière de la collecte et du recyclage des piles et batteries en fournit la preuve. L’histoire commence en 1991, avec une première directive « peu efficace », juge Emmanuel Beaurepaire, secrétaire général de l’EBRA (European Battery Recycling Association) qui regroupe les professionnels de la filière du recyclage. « Elle se concentrait uniquement sur certaines catégories de substances dangereuses (mercure, cadmium, plomb) sans se préoccuper du type de pile et de leur usage. Résultat, certains pays ont mollement transposé la législation sans mettre en place la collecte et le tri, d’autres ne l’ont jamais fait ».

Cette inefficacité a entraîné une révision de la directive en 2006. « Cette fois-ci, une véritable étude d’impact a été menée, soit deux ans et demi de travail. La Commission s’est rendue compte qu’elle ne pouvait plus élaborer des directives sans se pencher sur les impacts sociaux et environnementaux des réglementations », souligne Emmanuel Beaurepaire. Cette directive fixe des objectifs précis. La collecte doit atteindre 25% pour les piles portables (utilisées par tout un chacun dans les appareils électroniques) d’ici 2012 et 45% d’ici 2016. Le recyclage doit atteindre 50% pour ce type de piles, 65% pour les batteries contenant de l’acide de plomb et 75% pour les piles au nickel-cadmium, très utilisés dans les appareils portables, téléphones mains-libres par exemple. Enfin, les producteurs sont responsables des coûts liés à la collecte, au traitement et au recyclage.

– « Tout est réuni pour mettre en place un système exigeant » –

Depuis 2006, les 27 retranscrivent peu à peu la directive. « En octobre 2008, seuls neuf pays l’avaient fait, mais c’est en train de bouger. La Grande-Bretagne vient de sortir son texte, l’Italie aussi, la France est sur le point de le faire », souligne Emmanuel Beaurepaire. Le cadre législatif européen est aujourd’hui en mesure de favoriser la filière de recyclage. « Entre REACH, qui impose le classement des substances chimiques, la réglementation IPPC, qui oblige à déclarer et faire contrôler les installations industrielles et les contraintes de la législation sur les piles, tout est réuni pour mettre en place un système exigeant ».

Toutefois, la mise en oeuvre des objectifs est laissée à l’appréciation des Etats membres qui doivent se charger de faire respecter les réglementations. « Il y a une intense activité de lobbying de la part des producteurs de piles qui veulent traiter les déchets au moindre coût », souligne Emmanuel Beaurepaire. « Les industriels ont tendance à aller vers le broyage des piles dans des conditions pas toujours satisfaisantes pour l’environnement et à envoyer le broyat dans des unités métallurgiques qui ne respectent pas les réglementations européennes. On estime qu’en plus des 36 000 tonnes de piles recyclées en 2008 en Europe par les membres de l’EBRA, 3 000 à 5 000 tonnes supplémentaires l’ont été selon des procédés non-conformes aux réglementations et aux standards de l’EBRA. »

Globalement, l’Europe est plus performante que les Etats-Unis ou l’Asie pour la collecte et le recyclage des piles même si le décalage est très élevé entre la Belgique, où 54% des piles sont collectées et la République Tchèque, qui en collecte 1%. Pour autant, on est loin d’une filière structurée à l’échelle européenne. « Le paradoxe, c’est que nous avons une directive pour 27 pays et que son application est différente partout. Les producteurs qui veulent commercialiser en Europe ont du mal à s’y retrouver ». Si l’Europe, dans le cas de la directive sur les piles, est un moteur pour la mise en oeuvre des politiques dans ses Etats membres, l’harmonisation est loin d’être réalisée encore.

Par Anne de Malleray

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